VK contre N1 Interactif. Les consommateurs peuvent-ils acheter des lois plus favorables en dehors du titre de consommateur de Rome I ? – loi gavc – geert van calster

Lors de la dernière session d’examens, j’ai posé à un groupe d’étudiants en droit international privé la question suivante :

Dans l’affaire C-429/22 VK contre N1 Interactive Ltdun tribunal autrichien a posé à la CJUE la question suivante :

L’article 6, paragraphe 1, du [the Rome I Regulation] doit être interprété en ce sens que la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle n’est pas applicable si la loi applicable en vertu de l’article 4 du règlement Rome I, dont le demandeur demande l’application et qui serait applicable si le demandeur n’avait pas le statut de consommateur, est plus favorable au demandeur ?

« VK » est une personne physique et il est le demandeur.

Comment proposez-vous à la CJUE de répondre à cette question ? Argumenter en se référant notamment à la jurisprudence pertinente de la CJUE.

Je me serais attendu à ce qu’ils répondent dans le sens suivant.

Dans l’ensemble (et peut-être principalement destiné à la consommation par les étudiants ; pardonnez donc la diatribe) bien sûr, il est décevant de voir combien d’étudiants, malgré les appels répétés au contraire et malgré le fait d’avoir 1 heure et 25 minutes pour répondre à la question avec un 2- essai de page, omettent de structurer leur réponse, avec une introduction clarifiant le plan d’attaque, un corps principal disposé à côté des principaux arguments et autorité de préférence soulignés ou mis en évidence, et une conclusion. Au lieu de cela, ils répondent par un tir au laser d’approches possibles sans aucun aménagement paysager dans le texte.

Passons maintenant au cas qui nous intéresse. Premièrement, il convient de souligner l’objectif global de prévisibilité du règlement (thème général bien sûr du droit international privé de l’UE), comme l’illustre le considérant 16 Rome I, mais aussi, pour la question spécifique des catégories protégées, son objectif de protéger les plus faibles parties (illustré par le considérant 23).

Le considérant 16 lui-même indique la variation ordinaire que le règlement autorise au sujet de la prévisibilité, étant donné qu’il se lit

Pour contribuer à l’objectif général du présent règlement, à savoir la sécurité juridique dans l’espace judiciaire européen, les règles de conflit de lois doivent être hautement prévisibles. Les tribunaux devraient toutefois conserver un certain pouvoir discrétionnaire pour déterminer la loi la plus étroitement liée à la situation.

Cet extrait aurait dû attirer l’attention de l’étudiant sur les divers cas du règlement où un tribunal peut effectivement corriger la loi normalement applicable en se référant à une «loi la plus étroitement liée». En particulier, il aurait fallu prêter attention au contraste entre A6 Rome I, le titre de consommation, qui n’a pas de « critère le plus étroitement lié », et cette autre catégorie de parties protégées, les employés, qui, dans A8(4), ont une exception très étroitement liée. Une lecture contra legem d’un « test le plus étroitement lié » dans A4 semblerait hors de question et même si ce n’était pas hors de question, la loi la plus étroitement liée ne doit pas nécessairement refléter celle qui est la plus favorable au consommateur. Ceci est également illustré par la CJUE Schlecker où les critères de cette détermination n’ont pas été inspirés par la recherche de la plus grande protection pour le salarié.

Les étudiants poussant pour l’alternative (la CJUE pourrait aller contra legem dans l’intérêt des consommateurs), auraient certainement dû se référer à l’autorité de la CJUE soutenant cela et auraient très probablement fait référence à la jurisprudence sous Bruxelles Ia pour faire valoir ce point ( ex multi notamment Commerzbank (une affaire de Lugano) et Markt24), se référant à leur tour également au considérant 7 Rome I pour la nécessité d’une « cohérence » entre Bruxelles I bis et Rome I.

Il peut également être fait référence aux dispositions des catégories protégées en tant qu’articles « isolés » et autosuffisants. C’est particulièrement le cas bien sûr pour Bruxelles Ia, un peu moins peut-être pour Rome I puisque les dispositions de cette dernière pour les catégories protégées renvoient bien à l’article 3.

Dans l’ensemble, le sens le plus probable du jugement est probablement une réponse négative. Enfin, cependant, une bonne réponse aurait inclus une reconnaissance du fait que cela pourrait ne pas dissuader le consommateur intelligemment plaidant de se plonger de toute façon dans l’article 4, en procédant à une ingénierie inverse ou en faisant valoir sa demande comme n’engageant pas le titre de consommateur : suggérer usage professionnel (avec par inspiration référence à CJEU Gruber), par exemple.

Geert.

Droit international privé de l’UE, 3e éd. 2021, Rubrique 3.2.5.