Le 31 octobre, Arbitrage de Paris a accueilli une conférence sur le choix de Paris comme siège de l’arbitrage international et ses implications profondes. La conférence, qui s’est déroulée au cœur de Paris, a réuni un panel d’experts prestigieux, dont un discours d’ouverture prononcé par Claudia SalomonPrésident de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, suivi d’un panel composé de Samaa Haridi (King & Spalding LLP, New York), Philippe Pinsolle (Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan LLP, Genève) et Taureau Xavier Favre (Lenz & Staehelin, Genève). L’événement s’est terminé par le discours de clôture prononcé par l’honorable Philippe Jeyaretnam, Président du Tribunal de commerce international de Singapour.
Keynote : « Arbitrage : ici, là-bas et partout »
Le discours d’ouverture de Claudia Salomon, intitulé « L’arbitrage : ici, là-bas et partout », a transporté les participants un siècle en arrière, dévoilant l’histoire de la façon dont Paris a été choisie comme siège de la CCI, puis de sa Cour internationale d’arbitrage. Faisant référence aux recherches menées par Mikaël Schinazi, Mme Salomon a mentionné comment les documents initiaux décrivaient le choix de la ville pour le siège comme « à déterminer ».
Paris est certainement une belle ville ; Cependant, le choix n’était pas évident il y a 100 ans. De nombreuses villes étaient en lice, mais c’est finalement Paris qui a été retenue, peut-être comme un compromis entre les Américains qui voulaient que la nouvelle organisation soit proche de Genève, les Français, qui ont suggéré Washington, et les Anglais, qui ont suggéré Bruxelles ou Paris. Il est mentionné que cette décision aurait également pu être un geste envers Étienne Clémentel, ministre français des Finances qui a été le premier président de la CPI et est ensuite devenu le premier président de la Cour.
Identifiant les principales raisons de l’importance de Paris dans l’arbitrage international, Mme Salomon a souligné la sophistication du droit français de l’arbitrage, la riche tradition du droit civil, les systèmes judiciaires connus pour leur impartialité et un marché juridique de classe mondiale abritant des praticiens de premier plan. L’annonce de la réouverture du Centre d’Audition ICC basé à Paris en 2024 est certainement un ajout prometteur au charme durable de Paris.
Le discours d’ouverture a également donné un aperçu des statistiques des affaires de la CPI, révélant que Paris était le premier choix constant au fil des années, de 2008 à 2022, à l’exception de deux cas en 2019 et 2021 où Londres a brièvement pris les devants. Mme Salomon a expliqué comment ces statistiques affirmaient que Paris était le siège d’un large éventail d’affaires, accueillant diverses nationalités, lois régissant, langues et types de litiges, soulignant que l’attrait de la ville transcendait la simple corrélation avec la loi applicable ou les choix linguistiques.
Mme Salomon a conclu en abordant les défis auxquels Paris est confronté pour maintenir sa position de siège leader, notamment dans le domaine du marketing par siège. Diverses institutions arbitraires se promeuvent activement sur les fronts locaux et régionaux, ce qui constitue une menace potentielle. De plus, certains choix de siège sont étroitement liés à la loi applicable, comme on le voit à New York, où le choix du siège et la loi applicable sont étroitement alignés.
En conclusion, Mme Salomon a souligné l’importance de facteurs tels que la force des universités et des institutions à Paris, ainsi que le paysage géopolitique, et la manière dont les partis influents et les flux d’argent peuvent jouer un rôle central dans la sélection des sièges.
Elle a identifié une opportunité importante pour Paris dans le domaine du droit civil et a souligné la nécessité de comprendre pourquoi les juridictions de droit civil pourraient opter pour une juridiction de Common Law lorsqu’elles se lancent dans l’arbitrage. Une entrée réussie sur ce marché pourrait positionner Paris pour attirer des affaires d’arbitrage en droit civil, ce qui présente une perspective prometteuse.
Table ronde sur l’arbitrage basé à Paris
Au cours d’une table ronde passionnante, des praticiens de France et de l’étranger ont partagé leurs points de vue sur les subtilités de l’arbitrage dans la ville.
Philippe Pinsolle, un praticien français chevronné, a souligné le rôle central des tribunaux locaux dans le soutien au processus d’arbitrage. Il a expliqué que sans le soutien des tribunaux locaux, même les efforts de marketing les plus avisés ne peuvent donner que des résultats limités. M. Pinsolle a illustré ce point en citant l’effet négatif du principe de « compétence-compétence »» une règle référencée à la fois dans la Convention de Genève et dans la Convention de New York.
Il est intéressant de noter que même si le Royaume-Uni, la France, la Suisse et l’Allemagne adhèrent tous à ce principe, les nuances résident dans son application. Par exemple, au Royaume-Uni, un procès complet devant les tribunaux est nécessaire pour déterminer si une suspension – des procédures judiciaires en faveur de l’arbitrage – doit être accordée. En revanche, en France, l’application de ce principe signifie que les tribunaux étatiques ne sont pas compétents pour trancher le litige ou se prononcer sur la validité de l’accord, sauf s’il est prima facie nul et non avenu et ne peut être appliqué – un seuil extrêmement élevé, ce qui signifie qu’il devrait il va de soi que l’accord est nul et non avenu.
Ces variations dans l’application soulignent à quel point l’attrait d’un siège dépend davantage de la politique judiciaire que de la législation explicite. Même lorsque la législation semble identique dans sa formulation, elle est susceptible d’interprétations et de pratiques distinctes. M. Pinsolle a illustré ce point avec des exemples concrets tirés de la jurisprudence française, soulignant la grande confiance que les tribunaux français accordent aux arbitres pour déterminer avec précision leur compétence. Cette confiance est un aspect essentiel du paysage de l’arbitrage en France, ce qui en fait un choix incontournable pour un siège d’arbitrage.
Samaa Haridi, un praticien basé à New York avec une formation en droit civil, s’est penché sur l’aspect fascinant de l’exécution des sentences qui ont été annulées au siège de l’arbitrage – une caractéristique distincte du paysage juridique français. Dans le contexte français, les tribunaux affirment qu’« une sentence arbitrale internationale est indépendante de tout ordre juridique national, sa validité étant déterminée par les lois du pays où l’exécution est demandée » (Décision Putrabali). Ce point de vue distinctif en France permet de faire exécuter une sentence annulée au siège.
Mme Haridi a fait des comparaisons avec l’approche adoptée aux États-Unis. Aux États-Unis, la situation est sensiblement différente, la sentence arbitrale étant considérée comme le produit du siège légal de l’arbitrage. Une approche nuancée est adoptée, dans laquelle le tribunal chargé de l’exécution doit décider s’il doit annuler la sentence ou s’il doit l’exécuter. La règle générale penche vers l’annulation de la sentence, l’exception étant de ne pas tenir compte de l’annulation de la sentence au siège judiciaire. Mme Haridi a souligné combien cette divergence d’approche met en évidence les contrastes dans les procédures d’exécution entre les deux juridictions, renforçant ainsi l’attractivité de Paris en tant que siège de premier plan.
Xavier Favre Bulle, un éminent praticien suisse, a partagé ses idées sur les principaux sujets d’intérêt qu’il a identifiés grâce à son expérience dans les arbitrages basés à Paris. Ceux-ci comprenaient :
- La délocalisation de l’Autonomie du Prix (comme l’explique Mme Haridi) ;
- L’étendue de la divulgation ;
- Le principe de contradiction ;
- Le pouvoir de révision.
L’étendue de la divulgation
M. Favre-Bulle a expliqué combien il avait été surpris par l’ampleur de la divulgation pratiquée en France, notamment sur les éléments nouveaux apparus au cours des procédures. En Suisse, l’introduction d’une nouvelle nomination non divulguée ne serait pas considérée comme un motif de contestation – un contraste frappant avec la pratique en France.
Respecter le principe de contradiction
Soulignant l’importance d’adhérer à ce principe en France, M. Favre-Bulle a souligné que sa stricte application élimine toute notion de « jure novit curie », il est donc impératif de discuter de toutes les questions – une autre différence notable par rapport à la pratique suisse.
Le pouvoir de la révision
Dans un contexte d’inquiétude croissante face à l’évolution récente vers une approche élargie et maximaliste de l’étendue du pouvoir de contrôle des tribunaux français lorsqu’ils traitent d’allégations de corruption pour des raisons d’ordre public, M. Favre-Bulle a abordé la tristement célèbre Belokon arrêt de la Cour de cassation française. Il a fait valoir que ce changement, bien que soudain, n’était pas surprenant compte tenu du fait que l’examen initial avait longtemps été critiqué par les praticiens français comme étant superficiel. Il a toutefois souligné que cette prolongation soudaine n’aurait pas été possible devant les tribunaux suisses. M. Favre-Bulle a conclu en rappelant à l’auditoire que la fiabilité d’un siège d’arbitrage ne doit pas se mesurer uniquement à une poignée d’affaires récentes et a rassuré les participants sur le fait que malgré le buzz autour des récentes décisions des tribunaux français, la France reste l’un des pays les plus des sièges fiables, ne justifiant aucune inquiétude à cet égard.
Mot de clôture
La conférence s’est terminée par les remarques perspicaces de l’honorable Philip Jeyaretnam, président du Tribunal de commerce international de Singapour. En explorant l’avenir du choix des sièges, le juge Jeyaretnam a souligné l’importance d’incorporer la diversité nationale au sein du pouvoir judiciaire et des avocats, en particulier pour les sièges arbitraires aspirant à servir le marché international mondial et à attirer un public mondial diversifié.
Même si le sentiment dominant suggère que Paris n’a rien à craindre, la conférence a rappelé que la ville ne peut pas tenir pour acquis son attrait de longue date. À mesure que le paysage de l’arbitrage international évolue, la Ville Lumière doit évoluer de manière proactive pour répondre aux besoins en constante évolution de la communauté de l’arbitrage, garantissant ainsi son importance continue en tant que choix de premier plan dans le monde dynamique de l’arbitrage international.